Les statues bougent.

Des bancs de bois, des sculptures immobiles, une grande de Dieux, accrochée tout au fond. Des luminaires, de grands vitraux.

Jone se souvenait de la première fois qu'elle était venu à l'église. Elle s'était mise debout sur le bois qui servait à s'agenouiller, et n'avait qu'une soif: chanter! Le nombre de fois qu'elle était venu troubler la tranquillité des croyants en se trouvant très drôle, elle les revoyaient toutes.
Quelle enfant stupide elle avait pu être. Quoiqu'en y réfléchissant, la vie avait du leur sembler plus amusante.

Par terre, des traces de cire. Comment cela se pouvait-il? Est-ce qu'un prêtre avait marché ici depuis qu'elle était là? Elle n'avait vu personne.
Elle respira l'air ambiant. Beaucoup de souffrance, beaucoup d'espoir, quelques larmes. Du fond de la pièce, elle entendait encore les pensées de tout ces gens qui appelaient à l'aide. Cela faisait un moment qu'elle était habituée à cela. Quoique c'était long pour un mortel, pour un immortel, moins d'un siècle ce n'était pas énorme. Elle n'arrivait pas toujours à s'empêcher de lire dans les pensées des gens. Pourtant elle avait horreur de cela. Même humaine elle n'avait jamais souhaité avoir cette faculté. C'était horrible comme une violation de l'esprit.

Elle s'amusa à sauter de banc en banc, comme une imbécile, en se disant que si quelqu'un arrivait elle entendrait sa voix ou le bruit de ses pas.

Le silence s'était installé dans la pièce. Jone avait immédiatement cessé de se croire au " parc aventure saint Mathieu ". Elle était à côté de la jeune fille, qui ne ressentait ni son aura ni le battement imperceptible de ses cils.
Quelqu'un si jeune qui venait prier? Le catéchisme marchait de mieux en mieux! Rien que d' y penser, cela la fit grimacer. La religion était pour elle un sujet délicat. Autant dire que plus jeune, jamais elle n'avait été chrétienne, et elle ne l'était toujours pas.

Jone Kenzo était Bouddhiste, et était loin de s'imaginer qu'un paradis existait. Elle pensait qu'elle allait se réincarner. Mais rien. Ce fut tout de même un choc. Le fait même qu'un être supérieur puisse être à l'origine de toute chose l'avait rebuté, depuis que ses yeux avaient ouvert ses premiers livres.
Au milieu de ses pensées, elle resta silencieuse. Se balançant de droite et de gauche, sans qu'une seule flamme n'eut à en chavirer.

* Tu n'as pas besoin de Dieux toi... *

Elle déplia ses doigts et s'avança vers une porte au fond de l'église, jetant un coup d'oeil vers cet étrangement jeune personne. Survolant le bureau du prête elle ressortit sans déranger aucun papier, juste avec une petite feuille, ou elle avait noté quelques mots, une adresse en vérité. D'un pas de valse assez fantaisiste, elle afficha la feuille juste devant celle qui priait encore, sous son nez, au dessus des cierges qui flamboyaient.

Citation :

"きみよ じおがくえん "(* Lycée de Kimyoo )..."

Il était indiqué le numéro de la rue, et un numéro de téléphone pour s'inscrire.
Si elle ne le voyait pas, elle enverrait un formulaire d'inscription chez elle. Peut importait. Elle attendit quelques secondes, pour savoir ce qui allait se passer, toujours immobile.

Jone ouvrit des yeux à servir de rétroprojecteurs. Elle la voyait.

*Que! Je n'ai fait aucun bruit pourtant! Ce doit être ma faute, pour toucher tout ces objets, je n'ai pas du contrôler ma présence...*

Même pour ses jeunes années, cette fille qui était venu prier était plus grande qu'elle. Jone prit donc une voix enfantine et esquissa son sourire le plus naïf.

" Je suis juste ici pour poster ces affiches. Je suis venue ici par hasard, je n'habite pas Kimyoo." Jusqu'ici, elle n'avait pas mentit. Les anges devaient éviter le plus possible de mentir, et ce n'était pas une mince affaire.

" Tu sais, dans ce lycée, il y a plein d'enfants comme toi. Si tu viens d'arriver, peux être que tu devrais t'inscrire là! Ce serait une bonne idée. Les études c'est important tu sais. Je me suis toujours dit que pour offrir le meilleur aux gens que j'aimais je devais avoir un bon travail. Tiens... " Elle lui tendit un formulaire destiné aux tuteurs légaux pour l'inscription.

La petite personne, qui n'aurait pas du apparaitre aux yeux de la plus chanceuse en taille, recoiffa nerveusement ses cheveux. Elle espérait que rien ne la choquerait dans son apparence et sentit son chignon dégringoler, elle le retint de la main droite pour qu'elle ne se rende pas compte de la taille de ses cheveux.

"Bon et bien.. j'ai encore du travail.. " Fit-elle en déguisant sa gêne immense. Cela faisait des années qu'elle n'avait pas ouvert la bouche. Sa voix tremblotait et semblait un peu éraillée. Normal, plus d'un demi siècle dans le silence, à peine meublé de quelques murmures tout au plus.

Une chanson. Heureusement, pour Jone, celle la ne représentait rien. Mais elle se figea tout de même quelques instants. Sa gorge se serra un peu, mais elle ne dit rien à ce sujet. En un anglais parfait heureusement, sinon le moindre accent japonais n'aurait pas arrangé les choses.

"Ce... Ce que je voudrais faire plus tard..."
Une drôle de question pour quelqu'un dont l'avenir était déjà choisis.

" Mon nom... C'est normal que tu ne l'ais pas compris... je ne te l'ai pas dit. Je ne vais pas me sauver en courant, il n'y aurait pas de raison. Ce ne sont que des questions tout à fait justifiées." Elle hésita fortement à mentir et avala péniblement sa salive. Son nom... Elle eut un doute sur l'orthographe, elle revoyait les signes, ne trouvait pas les kanjis. Cela la plongea dans une légère angoisse. Puis, elle se rappela, son nom ne s'était jamais écris avec des kanjis, c'était tout.

" Kenzo san... Mais je ne crois pas que mon nom te sera d'une grande utilité... Cela m'étonne même que tu me le demandes."

Elle ne voulait pas effectivement s'enfuir en courant. Même si cette jeune fille avait eu une kalachnikov, il n'y aurait eu aucune raison de fuir, à part pour cacher qu'on ne pouvait pas la tuer.

" Oturan...san... c'est comme ça que tu as dit t'appeler? Il y a sans doute un club de chant ici. Peut-être même au lycée. Moi..... J... Poursuit tes ambitions! Savoir ce que l'on veut est essentiel, tu as de la chance de savoir quelles sont tes passions." Elle faillis dire " quand j'étais plus jeune j'avais essayé de monter un groupe de rock " Mais elle se rendis compte du problème! Elle était jeune d'apparence, elle ne pouvait pas parler comme si elle avait plus de quatre-vingt ans!

Non, la musique n'était pas un bon sujet de conversation. C'était trop douloureux.

Un prêtre entra dans la salle. Il se déplaça sans mot dire d'un pas pressé.




" Hey! qu'est-ce que vous faites ici? C'est une église, vous faites beaucoup trop de bruit! Veuillez respecter les lieux saints ou j'appelle vos parents! "

Jone se souvint à cet instant qu'elle avait quand même commis une erreur. Elle avait dit " dans cette école, il y a plein d'enfants comme toi" . Elle aussi était une enfant aux yeux de son interlocutrice. Elle ne devait pas agir comme si elle était plus vieille.

" Tss! des petits délinquants comme vous ne devriez pas fouler le sol d'un endroit sacré! Pas la peine de faire des révérences! Ici on ne fait pas de miracle, alors pas la peine de revenir!" Il attrapa Jone par le col et la tira quelques mètres plus loin.

Cette dernière se laissa soulever avec aisance, le cœur battant.

" Mon père, mesurez vos propos, vous êtes dans la maison de Dieux... Et cette jeune personne n'est ici que pour se recueillir, ne pêchez pas de colère! " N'importe qui connaissant Jone lors de sa vie humaine se serait étranglé en voyant sa réaction, c'était comme avaler de travers une boite de haricot, ferraille comprise.

" Nous... nous allions partir... AAa..." Elle trébucha contre un des banc, la plume qu'elle avait prit pour écrire tomba. C'était celle du prêtre. Comme elle supposait que la jeune fille n'allait pas la voir, elle comptait la reposer après qu'elle ait quitté l'église.

" QUOI! en plus vous m'avez dérobé une plume Rouge? " Les plumes "Rouge" étaient en fait constituées d'un long corps en or, d'une pointe longue de six centimètres, en or toujours, et du haut d'une vrai plume d'oiseaux blanc, de l'oie, ou du pan blanc. On les appelaient ainsi, car elle étaient souvent offertes à ceux qui étaient familiers du Vatican.

" Ah... heu... je comptais vous la rendre! Tenez prenez cela en compensation si cela vous arrange! " Elle lui tendit une plume blanche dont le manche semblait carrément fait d'ivoire, ou quelques mots d'une langue sanscrite étaient gravés. C'était sa propre plume, mais seul des larmes pouvaient servir d'encre, et cette écriture n'était visible que des anges et de Dieux, aussi n'avait-elle put l'utiliser.


" Toi! viens ici! Je vais immédiatement appeler la police! Comment peut tu être en possession de la plume des anges! Tu l'as volé n'est-ce pas? " Evidemment, quelques une de ces plumes avaient été faites cadeau à des mortels, par leurs anges, et étaient considérées aujourd'hui par les humains, ignorants, comme des reliques à mettre en musée.

Le prêtre passa ses mains dans les poches de la jeune fille.

" Qu'est-ce que tu as d'autre sur toi? " Se mit-il à crier. Pas étonnant, si Jone avait été à sa place, elle aurait posé la même question.

Mais la jeune Oturan ne semblait pas se rendre compte qu'elle avait provoqué la colère de l'homme d'église, et que la gifle qu'elle venait de lui mettre n'allait surement pas le laisser de marbre.

" Oturan san! ... Ino... Non..; Bon... peu importe. J'apprécie que tu ais voulu défendre une inconnue par noblesse d'âme, mais il n'est pas bon de s'emporter ainsi. Cela pourrait être préjudiciable à ton... Tes parents en seraient fâchés, et toi même tu n'est pas une mauvaise personne. Ne laisse pas les gens se faire une idée injuste de celle que tu es réellement." Elle allait dire " à ton karma" Mais encore une fois allait dire ce qu'un enfant ne dit pas.

Bien sur Jone ignorait tout de la jeune fille, car contrairement à certaines créatures tels que ses semblables, elle ne désirait pas utiliser son don de télépathie, osant à peine ressentir de l'empathie.
Tout juste avait-elle eut le temps de prononcer ces paroles que le prêtre, avec un autre homme plus jeune, qui ressemblait à un garde champêtre apparut.

" C'est elle! Cette petite délinquante a osé levé la main sur le saint homme de dieux que je suis!"

Le sang de Jone Kenzo ne fit qu'un tour, et elle avança à regret en appelant l'autre jeune fille, bien décidée à éviter les ennuis.

" Revenez ici! Vous vous croyez chez qui !? "

Le garde champêtre munis d'un balais et d'une poubelle déposa ses outils et attrapa l'impertinente qui avait osé frapper un vieil homme respecté et moine qui plus est. Un fait hautement révoltant et inacceptable.

" Toi sale gamine! " Marmonna-t-il une cigarette éteinte dans la bouche, l'empoignant avec véhémence.

" Viens ici!" Il lui remis la même claque qu'elle avait donné à l'homme de foie.

Jone sentit son cœur s'arrêter, qu'est-ce qu'il leur prenait, ce n'était qu'une plume qui avait provoqué tout cela? Un objet? Les passants marchaient comme si ils n'avaient rien vu, c'était affligeant.

" Normal qu'il regarde ta poitrine jeune Oturan, on ne peux pas vraiment dire qu'ils sont loin sous tes vêtements!" Jone était essoufflée à un point, elle avait les poumons qui allaient lacher.



" Donne moi ça! " Vociféra-t-elle en arrachant sa cigarette des mains, et en commençant, à la grande surprise de sa nouvelle compagnie, à la porter à la bouche pour la manger.

Si elle ne faisait pas cela, elle allait disparaitre dans de brefs délais, et cela n'allait surement pas passer. Certes il était peut être très dérangeant de la voir se nourrir de cendre, mais il aurait été plus embêtant, et plus dérangeant aussi , de la voir disparaitre comme un fantôme, parce qu'elle n'avait plus assez d'énergie pour rester sur Terre.

" Je voulais juste te donner un prospectus! Pas que tu doives en arriver aux mains avec je ne sais quel rustre bourreaux d'enfant... Tu sais, je ne l'avais pas volé , mais le prêtre ne le savait pas! Désolée pour la claque que tu t'es prise. Je crois qu'il est temps d'abréger cette rencontre catastrophique..."

*T'ain, tu veux faire le bien tu provoques le jugement dernier! La prochaine fois tu contrôleras mieux ton invisibilité stupide ange de pacotille! Il ne faut pas se mêler de la vie des humains! tss, quelle imbécile! Voila le résultat!*

Jone eut soudain envie de lui révéler ce qu'elle était, juste pour lui donner un aperçu de sa vie avant la mort. Mais cela n'aurait pas été très correcte.

Quand la jeune fille toucha à ses cheveux elle se mit à pousser un cris de surprise. A l'époque, personne n'aurait jamais osé être aussi familier avec elle, même pas Eïkiko.

" YAAAAH! non mais ça va pas! "

*Zut j'ai hurlé comme une pauvre vierge effarouchée!*

" E... excuse moi, mais je ne suis pas sure que ce soit une bonne idée de recommencer ce que tu as fait. Tu comprends, moi et mes cheveux, c'est un peu spécial.. héhéhé... "

*Comme le reste du corps d'ailleurs, mais plus particulièrement mes cheveux! *

Esthéticienne, coiffeur? De quoi elle parlait! Et avec quel argent? D'où elle sortait cette jeune personne?



*RAAA zut! je l'ai encore appelé jeune Oturan! pourquoi pas lui parler comme à l'ère meiji tant qu'on y est!?*

" Mon prénom? Je ne te l'ai pas dit tout à l'heure?"

Elle avait horreur de le dire, elle n'aimait pas la familiarité, mais les jeunes de cette époque étaient plus décontractés, et surtout, à présent, elle n'était plus connue pour être la petite fille de Kim Zenzaburo Kenzo... Et plus personne dans les rues de Minto n'avait peur en entendant son prénom.



" Tu sais, je vais être franche... Je veux bien passer un peu du temps qui me reste avec toi, mais, il va falloir y aller doucement, je suis effectivement un peu "coincée" si l'on veut... "

Là, elle s'étranglait intérieurement, mais il fallait qu'elle reste comme un ange devait être. Hors de question d'agir sans se contrôler. Elle avait une boule dans l'estomac. Les seules personnes qui osaient l'appeler aussi familièrement que par son prénom, lui étaient très chère et très proches, elle repensait à eux avec douleur.

" Je... je m'appelle Jone... Jone Firenze... même. Dis, je veux bien aller ou tu veux, mais pas chez le coiffeur... Ah et excuse moi si j'ai du mal à t'appeler par ton prénom. Moi même, on ne m'appelle jamais " Jone" alors, tu comprends, c'est un peu nouveau pour moi."

Décidément, elle n'imaginait à quel point retourner sur Terre allait la tourmenter. Elle ne pouvait pas faire une seule chose sans qu'un souvenir lui revienne. Même son prénom, la première chose que tout le monde demandait lui causait du chagrin.

"Heu mais, les boutiques, mais... hey j'ai pas prévu! j'ai aucuen tune sur moi! Tu sais si je bosse aussi jeune, c'est que j'en ai besoin..."
*Je ne sais même pas si on utilise la même monnaie actuellement qu'avant ma mort!*

La jeune fille semblait la regarder de la tête au pied. Qu'est-ce qu'elle avait en tête. Si elle pensait à lui faire épiler les sourcils, ça allait être dur! il n'y en avait presque pas! Elle les épilait comem les yakusa.

* He ho, mais c'est quoi cette fille, elle est bien sympa, mais j'avais oublié les préocupations des adolescents acteuls! Quoique de mon temps c'était presque pareil! Qu'est-ce qu'elle s'imagine, que je vais venir dans uns alon pleine de fille poudrées qui pue le fruité et le gemey maybeline? Nan mais seigneur, j'ai dit que je voulai aider des gens, pas me faire relooker! Oh! j'ai encore lu dans les pensées d'un humain! Mais pourquoi je n'arrive pas à contrôler mes pouvoirs! Ah oui! j'ai faim! J'ai faim! De la nourriturre!*

Elle se mit à regarder autour d'elle. Il y avait des arbres. La terre... elle ne pouvait pas manger de la terre en la présence d'Inomy!

" Je... excuse moi, je crois que j'ai oublié quelque chose..." Elle commençait à voir trouble, ses membres se faisaient légers, elle allait se dématérialiser.

*Non! non, pas maintenant... * Elle se plaça à la lumière pour retarder le processus. Cependant les pauvres vitamines d n'allait pas retarder le processus bien longtemps, elle n'était pas une plante. Elle commença à avancer dans la rue, et sentait ses pieds quitter l'intérieur de ses chaussure.

*Non... non... la seule chose que je peux faire, c'est... Raaa tant pis*

" Je... rev...i....iens..."


Elle commença à marcher plus rapidement et arrivé au coin de la rue disparut, sans laisser aucune trace. Elle allait devoir se nourrir avant de revenir... Sans doute y avait-il un endroit ou elle pourrait manger sans que personne ne la vois... un parc... n'importe où où il y avait de la terre ou de l'eau.

( :arrow: le parc)